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Sinulog in Cebu


Je suis enfin sur mon lieu de stage ! Après quelques galères à l’aéroport et sans doute 150€ de perdus, me voilà à Cebu City ; deuxième plus grande ville des Philippines avec environ 3 millions d’habitants (d’après wikipedia).


Ici il fait chaud, environ 30° en ce moment. La chaleur est évidemment pesante, on transpire facilement mais quelques brises viennent parfois rafraichir nos corps pas encore adaptés à ce nouvel environnement. Seulement, ce n’est que le début de la saison chaude… Il parait que les températures peuvent monter jusqu’à 40° ou plus au mois de mars. Autant vous dire que je ne suis pas pressée !

Je garde la présentation de mon lieu d’habitation et mes premières impressions pour plus tard, car pour le moment, je veux vous parler du Sinulog…




Le Sinulog, c’est une célébration religieuse (les Philippins sont chrétiens à 95%). Elle a lieu une fois par an et dure environ une semaine, si j’ai bien compris. Les Philippins célèbrent le petit enfant Jésus ; des « Pit senyor » (littéralement : « petit seigneur ») retentissent en continu dans les rues.

Je suis arrivée à Cebu le samedi après-midi, et le lendemain était le jour le plus important du Sinulog. De 6h à 10h, des messes sont célébrées dans les rues. Bien-sûr, je ne les ai pas vues. Mes colocs m’ont réveillée et nous sommes partis manger tous ensemble dans un énorme centre commercial (je vous expliquerai aussi la passion des Philippins pour les centres commerciaux plus tard). Puis, vers midi, nous nous sommes dirigés vers la parade qui dure la journée entière, c’est-à-dire de 10h du matin à environ 22h. Imaginez les danseurs et danseuses, se produisant de longues heures durant, sous un soleil de plomb…


La foule était évidemment déjà au rendez-vous. Se frayer un passage n’était pas aisé, et la chaleur accablante couplée à la fatigue des jours précédents m’ont empêché de vraiment profiter de cet événement. Nous n’avons donc assisté qu’à quelques représentations sur les trois heures de marche que nous avons effectuées à travers la ville.


(Photos volées, je n'avais pas pris mon appareil photo avec moi...)

La parade est composée d'une multitude de groupes de danceurs, dont chacun possède au moins une représentation du petit Jésus, comme sur la photo.



Après cela, nous avons quitté la parade. Ne connaissant rien de la ville, n’ayant aucun repère géographique, je me contentais de suivre le groupe en faisant bien attention à ne pas le perdre. Au fur et à mesure que nous avancions, nous croisions des gens aux visages colorés de peinture… Jusqu’à ce que ce fut notre tour ! Dans une rue moins fréquentée, un groupe de jeunes philippins nous prit d’assaut : ils nous lancèrent de la peinture grâce à des pistolets à eau, promenèrent leurs doigts sur nos joues qui devinrent multicolores, tout en criant « pit senyor ». Ce n’était que le début… Alors que nous nous enfoncions dans les rues du centre-ville, de plus en plus de mains se posaient sur nous. Tout le monde riait, criait, chantait. Nos têtes d’occidentaux attiraient les regards et les philippins semblaient se faire un malin plaisir de nous initier à cette fête si attendue. Vers 15h, nous arrivèrent à un cul de sac, où un DJ était installé. La musique était bien sûr poussée au maximum. La fête pouvait alors commencer !


"It's more fun in the Philippines!"



Nous sortirent les bouteilles que nous avions préparées à la maison ; vodka-sprite pour certains, tanduay-coca pour les autres (le tanduay est le rhum local). J’eu vraiment du mal à me mettre dans l’ambiance, le coktail chaleur + fatigue avait fragilisé mon organisme. Heureusement, l’un des philippins qui était avec nous me tendit un petit gâteau de riz sucré. Je crois que cela me sauva ! Après l’avoir avalé, je pu vraiment apprécier la « street party », comme on dit ici (littéralement : la fête dans la rue). Voilà comment ça se passe ; les quelques tables en plastique servent de podiums, les mixes du DJ se succèdent sans pauses, l’espace continue de se remplir, les gens se promènent avec des bouteilles dont ils offrent volontiers des gorgées aux inconnus (difficile de refuser ; il n’y a qu’à ouvrir la bouche et crier « pit senyor » en guise de remerciement). Les fins de bière sont jetées dans les airs (au moins ça rafraichit), tout comme la peinture qui semble inépuisable. Rassure-toi Maman, je ne suis pas inconsciente ! Ne connaissant rien de Cebu, ni de la culture philippine, je bois le moins possible. Hors de question d’être bourrée dans un pays qui m’est totalement inconnu, au risque de me retrouver seule au milieu de cette énorme agitation.



Vers 18h, la foule est vraiment dense, l’alcool coule à flot et le soleil commence à se coucher. Jennifer, l’une de mes colocs, me propose alors de la suivre, elle et son copain, pour rentrer à la maison. Ayant perdu de vue les autres, je décide de partir avec eux, même si je n’ai pas vraiment envie de rentrer. Seulement, Jennifer a déjà vécu un Sinulog, et si elle pense qu’il est mieux de partir, je me doute qu’elle a ses raisons. A ce moment-là, j’ignorai évidemment que je ne serai pas à la maison avant quelques heures encore.


Steve, le copain de Jennifer, se met en tête de notre petit cortège afin de se frayer un chemin. Il est grand et blond, à l’inverse de tous les philippins, ce qui le rend facilement repérable. Néanmoins, Jennifer prend ma main pour éviter de me perdre dans la foule. Nous sortons du cul-de-sac où nous étions restés quelques heures, happés par la fête complètement folle et joyeuse, pour nous retrouver dans l’une des rues les plus fréquentées du festival.




Désormais, Jennifer s’accroche au bras de Steve et moi je ne lâche pas sa main. La foule est encore plus dense, nous sommes en plein milieu et nous essayons d’avancer tant bien que mal. Des mouvements de foules nous font reculer, puis avancer, nous décaler sur la gauche, puis sur la droite. Certains sont plus violents que d’autres et nous commençons à avoir un peu peur devant l’impossibilité d’avancer mais la nécessité de rester groupé. Au milieu de ce bazar sans nom, des philippins en scooter tente de feindre la foule. Certains donnent des gros coups d’accélérateur, les piétons les évitent de justesse, prenant aussi garde à ne pas toucher les pots d’échappement brûlants. Après avoir tenté de nous éloigner dans plusieurs directions, nous nous rendons à l’évidence : nous sommes pris au piège. A côté de nous, une camionnette immobile. Je nous vois déjà écrasés par la foule contre le véhicule… D’un commun accord, nous décidons de monter sur le toit de la camionnette pour s’extraire de la foule devenue sauvage.


Steve monte en premier, puis Jennifer qui en perd ses tongs, et vient mon tour. Je m’assois sur le toit, et découvre le spectacle morbide : des milliers de gens se pressent dans les rues, des mouvements de foule les emportent, certains montent sur des grillages pour en échapper, d’autres escaladent les quelques arbres qui bordent la route, et les véhicules perdus au milieu de ce rassemblement servent de refuge aux plus effrayés, comme nous. Nous regardons avec horreur cette scène immense et prenons conscience du danger qui s'étend sous nos pieds; nous croisons des regards apeurés, nous voyons des enfants qui se font tirer dans tous les sens par leurs parents, nous voyons des gens pleurer, nous observons, effarés, des enfants sur les épaules de leurs parents, en priant pour qu’ils n’en tombent pas. Je comprends alors pourquoi Jennifer voulait partir « si tôt ». Il est impossible que des accidents n'aient pas lieu dans ce triste décor... Les rues sont noires de monde, la situation est à présent très dangereuse, et pourtant la majorité des philippins ne semblent pas s’en rendre compte ! Beaucoup d’entre eux nous sourient, nous lancent de la bière en riant, continuent de crier « pit senyor », nous tendent leurs mains pour que l’on tape dedans. Nous décidons de ne pas alimenter cette folie, de regarder au loin plutôt qu’à nos pieds, afin de ne pas croiser les regards des philippins et de ne pas encourager le moindre mouvement. Je me sens privilégiée d’être sur le toit de cette camionnette alors qu’autour de moi, tout n’est que chaos. Nous nous résignons à attendre là, le temps qu’il faudra, lorsque la voiture commence à bouger. Au départ, je crois que la force de la foule fait tanguer le véhicule, ce qui est certainement vrai, et je nous vois déjà tomber à la renverse. Mais le mouvement vient bien du véhicule lui-même ; on vient de le démarrer, et celui-ci va tenter d’avancer !!! Jennifer et moi échangeons un regard terrifié ; je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie ! J’ai peur pour moi, évidemment ; peur de glisser et de ne pouvoir remonter (surtout lorsque nous prenons un chemin en pente), mais aussi peur que la camionnette écrase les pieds des piétons, peur de l’horrible frénésie que j’ai sous les yeux et de ce sentiment d’impuissance. Malgré tout, être sur le toit paraît moins dangereux qu’être à terre. Nous nous laissons donc transporter, un philippin est debout sur la camionnette et se déhanche comme seul un philippin sait le faire, totatalement ignorant de ce qui se déroule sous ses yeux ! Notre convoi attire les regards, le fait que nous soyons occidentaux rend la scène encore plus rigolote pour les philippins, qui continuent de danser, de chanter ; de faire la fête en somme !


J’ignore combien de temps nous sommes restés sur ce « toit de sauvetage » (1h ?), toujours est-il que le conducteur nous a priés de descendre après avoir effectué quelques mètres. Heureusement, nous avons pu rejoindre des rues moins bondées, et nous remettre doucement de ce que nous venions de vivre. Le philippin qui m’avait donné un gâteau de riz nous avait miraculeusement retrouvés ; il nous convia chez lui (enfin chez ses cousins) afin de trouver des nouvelles chaussures pour Jennifer, de manger un peu et de nous reposer un moment. Il donna de l’argent à l’un de ses cousins afin que celui-ci ramène des tongs et des bières ; mission qui aurait été totalement impossible pour nous en ce jour si particulier. 15 minutes après, tout le monde a les pieds chaussés, et nous entamons des pizzas ainsi que des bières. Francis, le philippin, me fait boire « the philippino way » ; il n’y a qu’un verre pour tout le monde, le premier boit un shooter, puis c’est au tour du deuxième, puis du troisième, et ainsi de suite. Il faut donc toujours attendre que la personne précédente ait terminé son verre pour y avoir droit.


Après cette pause bien méritée, nous reprenons le chemin de la maison. Nous nous retrouvons de nouveau dans des rues bondées. J’observe attentivement ce qui se passe autour de moi ; des familles dorment dans des camions, des jeunes sont endormis dans la rue, un mec se fait de la monnaie en posant son serpent sur les épaules des moins peureux… Nous marchons pendant une heure, peut-être deux, avant d’enfin pouvoir prendre un "habal habal" ; une moto-taxi.



Je suis toujours un peu choquée par ce que je viens de vivre. Mon corps est encore plein de l’effervescence de l’événement, mon visage recouvert de peinture sèche, mes cheveux collants à cause des bières volantes, mais je suis rentrée chez moi.




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